Dialogues en humanité - 2016
Du 01/07/2016 au 03/07/2016
- Parc de la Tête d'Or - Lyon
Programme : programme-dialogues-2016.pdf
Citoyens du peuple de la terre
devenons des artistes en humanité !
Edito de Patrick Viveret pour le réseau des Dialogues
Dans ce carrefour critique où l’humanité, notre "Frater" (à l’origine en latin le genre humain), est confrontée à des défis colossaux qui peuvent la conduire à sa perte mais aussi à franchir un saut qualitatif dans la voie de sa propre humanisation, deux séries de défis majeurs peuvent se transformer en sources d’espérance: celui des "réfugiés" et celui du chômage de masse.
Le premier appelle plus que jamais un changement de vision afin d’inscrire toute approche politique un tant soit peu humaniste dans la perspective proposée par le réseau des Dialogues lors de la COP 21, dans le "Serment de Paris", d’une citoyenneté de tout être humain en tant que membre du "peuple de la terre".
Ce serment vise notamment à faire de la Déclaration Universelle des droits humains, non un simple idéal, mais un objectif stratégique et un socle juridique.
Cela fonde par exemple la légitimité de toute action de réforme mais aussi, s’il le faut, de désobéissance civique, dont l’objet est de faire respecter l’article 13 de cette Déclaration qui stipule que:
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Ainsi, dans une telle perspective, il nous faut considérer toute personne obligée de fuir une situation de détresse quelles que soient les causes de cette détresse (guerre, misère, dérèglement climatique etc.) comme un citoyen à part entière, porteur de droits et de responsabilités (notamment à l’égard des populations hôtes et des territoires dans lesquels il circule et ceux où il souhaite s’installer) et non comme un "réfugié" ou un "immigré" ou pire comme un non humain ce qui est par exemple le cas lorsque l’on donne à l’habitat précaire de ces personnes des noms tels que "jungle"! (cf "la Jungle de Calais").
Cela entraîne certes la mise en œuvre de choix d’organisation, d’accueil, d’aménagement du territoire etc. mais au même titre que les nations le font en leur sein pour leurs propres ressortissants parfois pour des populations beaucoup plus nombreuses (que l’on pense par exemple pour la France aux personnes ayant quitté l’Algérie en 1962).
Le second défi, celui du chômage de masse constitue un drame tant qu’on l’analyse dans les catégories du système dominant où l’accès à un revenu dépend étroitement d’un emploi et d’un travail.
Mais il signale une opportunité en mettant aussi en évidence que nos sociétés peuvent fonctionner sans le travail de millions de personnes du fait des progrès de productivité et du remplacement du travail humain par le travail machine que ces machines soient agricoles, industrielles ou informationnelles (révolution dite numérique).
Il s’agit dès lors de répartir équitablement ces gains de productivité entre tous (réduction et répartition de la durée du travail) mais aussi de réorienter ce capital de temps et d’énergie humaine vers des activités qualitativement supérieures à celles du labeur pour les tourner vers ce que la philosophe Hannah Arendt appelait "l’œuvre" plus que le travail.
C’est aussi le sens originel du mot métier, contraction des termes "ministère" et "mystère".
Un métier relève en ce sens du projet de vie et non d’un simple emploi.
Nombre d’emplois sont décalés ou même contradictoires avec des vocations et nombre de projets de vie n’ont pas de débouché marchand.
Une civilisation de l’œuvre plus que du travail est donc une civilisation où l’on s’attaque à l’énorme gaspillage humain de labeurs marqués par la pénibilité et la dépendance au profit de minorités rentières, afin d’en finir, comme le disait St Exupery dans "Terre des hommes" avec "ces Mozart qu’on assassine" pour promouvoir des sociétés du bien vivre où la question principale n’est plus de savoir ce que l’on fait dans la vie, mais ce que l’on fait de sa vie.
S’il s’agit donc de "devenir artiste de sa vie", "artiste en humanité", il nous faut donc aussi mieux nous inspirer des artistes eux-mêmes pour conduire ce processus de transition et de métamorphose.
D’où le titre de ces Dialogues qui nous invitent à opérer un double changement de posture anticipatrice et chargée d’espérance: "Citoyens du peuple de la terre, devenons des artistes en humanité !"
Démarrons chaque journée par un temps artistique, (pour nous laisser inspirer par les artistes) qui vient nourrir toute la journée et libère l'énergie. Le fil rouge est la question de l'œuvre. Passer du travail à l'œuvre ou comment devenir artistes de nos vies?