51 migrants prisonniers en Grèce de l’accord UE-Turquie - GITSI 28 juin
La Cour européenne des droits de l’Homme détourne son regard
La Cour européenne des droits de l’homme vient de rejeter, sans motiver sa décision, la demande de « mesures urgentes » déposée jeudi 16 juin par 51 victimes de nationalités afghane, syrienne et irakienne (parmi lesquelles de nombreux mineurs) maintenues de force dans une situation de détresse extrême sur l’île de Chios, en mer Egée.
Les victimes demandaient à la Cour d’enjoindre au gouvernement grec de mettre un terme aux violations du droit à la vie et aux traitements inhumains et dégradants qu’elles subissent depuis la mise en œuvre de la Déclaration UE-Turquie du 20 mars et qui mettent leurs vies et celles de leurs enfants en danger. Chios est devenue, comme Lesbos ou Kos, une prison à ciel ouvert.
Bien qu’ayant tous demandé l’asile, ces migrants ne bénéficient d’aucun des droits prévus par le droit grec et le droit européen, ni d’aucune assistance juridique. Pour la plupart, ils ignorent les motifs de cette « assignation à résidence » dans l’île, et ne savent pas pourquoi ils sont contraints de vivre dans des conditions matérielles inqualifiables et dégradantes. Ils n’ont ni habitat digne et sûr ni réel accès aux soins ; l’assistance médicale est largement insuffisante au regard du nombre de cas qui justifieraient des hospitalisations et/ou des traitements appropriés (parfois prescrits mais non distribués). Dans un des « camps » de l’île de Chios, les autorités ne fournissent même pas de nourriture.
Ce que savent en revanche les personnes qui ont saisi la Cour, c’est qu’elles risquent toutes, comme l’ensemble des migrants retenus dans l’île, d’être expulsées en Turquie - considérée, au terme de l’accord UE-Turquie comme dans le droit national grec, comme un pays a priori « sûr » pour les demandeurs d’asile, en dépit des inquiétudes formulées par de nombreuses ONG et institutions internationales.
Dans leur requête, ces personnes ont soulevé et abondamment documenté l’insuffisance et le caractère inadapté de la nourriture, les conditions matérielles inhumaines et dégradantes, voire dangereuses (tentes mal fixées, serpents, chaleur, promiscuité, etc.), les grandes difficultés d’accès aux soins, la non prise en compte de situations de particulière vulnérabilité - femmes enceintes, enfants en bas âge, mineurs isolés -, mais aussi l’arbitraire administratif, qui fait perdre la raison et génère un véritable risque suicidaire.
Depuis le 20 mars, l’Union européenne, par le biais de ses agences (EASO, Interpol, Frontex) présentes dans les « hotspots » grecs, se rend quotidiennement complice de multiples violations du droit international, des prescriptions de sa Charte des droits fondamentaux et des obligations prévues par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’ampleur du scandale aurait-elle fait peur à la Cour ? En décidant de ne pas traiter en urgence les requêtes de 51 migrants de Chios, la Cour européenne des droits de l’homme renforce l’impunité des États membres de l’UE ; elle entérine les conséquences gravissimes d’une politique européenne d’immigration et d’asile qui, de « hotspots » en accords d’externalisation, fait peser sur un de ses membres (la Grèce) et un pays tiers (la Turquie) la responsabilité qui incombe à tous les États membres d’accueillir les migrants et les réfugiés. Avec cette décision, le risque est grand que perdurent des situations explosives.
Les requérants et le Gisti ne s’arrêteront pas à ce refus de la Cour de reconnaître qu’il y a urgence à intervenir pour faire cesser les graves atteintes aux droits fondamentaux commises dans l’île de Chios. Ils poursuivront leur combat devant les juridictions internationales pour que ces violations soient reconnues et condamnées.