Accord UE-Turquie : la grande imposture - GITSI 25 juillet
Rapport de mission dans les « hotspots » grecs de Lesbos et Chios
Depuis le 20 mars 2016, date d’entrée en vigueur de l’accord migratoire conclu entre l’Union européenne et la Turquie, des milliers de personnes en besoin de protection sont abandonnées dans les prisons à ciel ouvert que sont devenues les îles grecques de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos.
A l’issue d’une mission conduite dans deux d’entre elles, Lesbos et Chios, entre le 22 et le 30 mai 2016, le Gisti met en évidence non seulement les conditions de vie indignes (hébergement, nourriture, accès aux soins) auxquelles sont soumises les personnes retenues dans les îles mais aussi un traitement administratif et judiciaire contraire, à de nombreux égards, aux droits qui devraient leur être reconnus en application des textes qui engagent l’Union européenne et ses États membres.
Les constats de la mission démontrent que ces droits sont bafoués de manière quasi-systématique, ce qui entraîne un manquement grave aux garanties procédurales qui, si elles étaient respectées, rendraient inapplicables et inopérants les objectifs de l’accord UE-Turquie, à savoir le refoulement de personnes en besoin de protection par un pays signataire de la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés. À ces violations du droit d’asile s’ajoutent, à Lesbos, bien d’autres dénis de droits, dont l’internement arbitraire de personnes mineures.
La cause immédiate des manquements constatés est imputable à l’administration grecque, chargée à titre principal de la gestion de l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile sur son territoire. Cependant, du fait de la combinaison d’un ensemble de circonstances – les difficultés économiques de la Grèce, le contexte migratoire méditerranéen, les effets de la politique européenne d’immigration et d’asile en vigueur depuis plus de quinze ans et enfin l’accord UE-Turquie du 18 mars 2016 – , ce sont les États membres de l’UE, et l’Union elle-même, qui portent l’essentiel de la responsabilité des mauvais traitements et des violations de leurs droits subis par les migrants enfermés dans les « hotspots » grecs.
La présence des agences européennes (Frontex, Europol, Bureau européen de l’asile) à l’intérieur des hotspots ne fait que souligner cette responsabilité. Cela est particulièrement visible dans le cas du bureau européen de l’asile (EASO), étroitement impliqué dans le processus d’examen des demandes d’asile, et par conséquent des dysfonctionnements décrits dans le rapport.
Le nouveau contexte turc, intervenu depuis la tentative avortée de coup d’État du 15 juillet, rend encore plus intenable la position des États membres de l’UE. Face à un régime renforcé dans son autoritarisme, ils devront louvoyer entre condamner les atteintes croissantes aux libertés et aux droits de l’Homme en Turquie et ménager un partenaire utile : un jeu dangereux dont on ne saurait prédire qui sortira gagnant, mais dont on peut craindre que les migrants, otages de l’égoïsme européen, ne soient une fois de plus les victimes.
Les faits parlent d’eux-mêmes : pour mettre fin aux graves violations des droits des migrants enfermés dans les « hotspots » grecs et sous la menace d’une expulsion en Turquie, il est indispensable que l’UE et ses États membres, à tout le moins :
- renoncent à appliquer la Déclaration du 18 mars 2016 ;
- revoient en profondeur le système de responsabilité d’un État membre de l’UE (règlement « Dublin III ») pour l’examen d’une demande d’asile afin que la demande soit examinée dans le pays du choix du demandeur
Le 25 juillet 2016