Entre éthique et libéralisme - Plein droit n° 112 - mars 2017
Les professionnels sociaux sont plus que jamais acteurs des politiques migratoires, de lois en lois.
Article extrait du Plein droit n° 112
Christophe Daadouch
Formateur en école de travail social et membre du Gisti
Les professionnels sociaux sont plus que jamais acteurs des politiques migratoires. De lois en lois, ils se sont vu confier des compétences de contrôle ou de sélection des migrants. Le tournant a été pris avec la loi du 26 novembre 2003 qui confère aux centres communaux d’action sociale le soin de mener une enquête auprès des familles qui feraient une demande d’attestation d’accueil ou de regroupement familial. Citons également la circulaire du 26 août 2012 « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » qui prévoit un « diagnostic social » avant toute expulsion. La prise en charge des mineurs isolés constitue également une excellente illustration de ces nouvelles missions. Les professionnels de l’action sociale interviennent à chaque étape : de l’évaluation de la minorité et de l’isolement à l’accompagnement. L’article L. 313.11 al. 2 bis du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile les enjoint même de garantir l’absence de lien entre le jeune et sa famille, son projet de formation ou son insertion dans la société française. Plus récemment, que dire de la levée du secret professionnel introduit par l’article 48 de la loi du 7 mars 2016 pour permettre à la préfecture de vérifier l’exactitude des déclarations des migrants qui sollicitent un titre de séjour Chacune de ces réglementations a été imposée sans concertation préalable avec les acteurs du secteur concerné. Caution ou garantie, les professionnels sociaux sont en première ligne et souvent démunis face aux enjeux politiques et éthiques que posent ces prérogatives nouvelles.
Leur isolement est d’abord politique. Les corps intermédiaires et, en particulier, les associations professionnelles sont particulièrement fragiles et peu représentatifs. Il est d’ailleurs symptomatique que ni l’Association nationale des assistants de service social (Anas) ni l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (Ones) n’aient jugé bon de soutenir Ibtissam Bouchaara, éducatrice spécialisée menacée de licenciement pour avoir dénoncé les conditions d’accueil des mineurs isolés (lire son témoignage dans ce numéro).Ce cas de figure sans précédent de sanction à l’encontre d’une professionnelle sociale qui fait prévaloir éthique et déontologie de l’action sociale aurait logiquement dû trouver écho auprès de ces organisations. D’autant qu’elles participent à des instances nationales comme le Haut Conseil du travail social ou le Conseil national de la protection de l’enfance où leur point de vue peut trouver un large écho. (...)
Extrait du Plein droit n° 112
« Travailleurs sociaux précarisés, étrangers maltraités »
(mars 2017, 10€)
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