Lybie / Europe - En Méditerranée, bâillonner pour mieux tuer - GITSI juin 2017
Attaquées physiquement, les ONG menant les secours en mer le sont aussi par les déclarations d’institutions, de politiciens et de médias européens.
Édito extrait du Plein droit n° 113
En Méditerranée, bâillonner pour mieux tuer
Le 10 mai 2017, les gardes-côtes libyens interceptent dans les eaux internationales un bateau de 500 migrants auxquels l’organisation non gouvernementale allemande Sea-Watch s’apprêtait à porter secours, mettant en danger les deux embarcations, celle des migrants et celle de l’ONG [1]. Les migrants sont ramenés sur le sol libyen pour être placés dans un centre de détention. Un porte-parole libyen affirme que le navire de l’ONG a « tenté d’empêcher le travail des gardes-côtes en voulant récupérer les migrants sous prétexte que la Libye n’est pas sûre ». C’est la deuxième fois que Sea-Watch dénonce semblable manœuvre de la part de militaires libyens. Le 13 mai, des identitaires autrichiens empêchent un bateau de SOS Méditerranée de sortir du port de Catane « pour attirer l’attention sur les activités criminelles des soi-disant humanitaires ».
Attaquées physiquement, les ONG menant les secours en mer le sont aussi par les déclarations d’institutions, de politiciens et de médias européens. La première salve est partie en novembre 2016 du commandement d’Eunavfor Med (également appelée Sophia), opération européenne de « lutte contre le trafic des migrants », qui, dans un rapport interne, accusait les ONG de faciliter la tâche des passeurs en opérant tout près des côtes libyennes.
En décembre 2016, l’agence européenne Frontex affirmait, dans un rapport confidentiel, détenir des informations sur « le premier cas avéré où les réseaux criminels ont transféré les migrants sur le bateau d’une ONG ». C’est sur la base de ces « révélations » que, trois mois plus tard, le procureur de Catane (Sicile), Carmelo Zuccaro, accusait à son tour les ONG de faciliter les activités des passeurs qui les financeraient. S’il a finalement reconnu qu’il n’avait pas de preuve à l’appui de cette « hypothèse de travail », la thèse de la collusion entre humanitaires et passeurs est reprise par l’extrême droite italienne et européenne.
Mare Nostrum (opération de secours maritime menée en Méditerranée, à partir du mois d’octobre 2013, par la marine militaire italienne) avait elle aussi était accusée de « faire le jeu des passeurs ». Pourtant, son interruption un an plus tard, loin d’entraîner une diminution du nombre des traversées, a causé un accroissement dramatique des décès en mer [2]. (...)
Extrait du Plein droit n° 113
« Exploitations »
(juin 2016, 10€)
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